Miossec - Le Quartz - 12.04.2014
Crédit photo :
© Hervé LE GALL
Date et lieu :
Le Quartz, Brest – 12 avril 2014 Live report :
20 ans. Le bel âge. Qui l'eut cru ? En 1995 à la sortie de Boire, Miossec allait marquer d’une pierre blanche l’histoire du rock en France. Ce bon gars de la rive droite de Brest que tout le monde prenait pour un pied de vigne doublé d'une piche à houblon est maintenant reconnu comme un grand de son époque. Pour moi, à la première écoute, l'affaire était pliée : le gars m'a fracassé, le poitrail nu, tir en plein cœur. Boire, son premier album, était absolument parfait et ne ressemblait à rien d’autre. Incroyable, inqualifiable, bien au-dessus du haut du panier. Personne avant lui n’avait jamais décrit le quotidien, les émotions simples et profondes, les instants de vie avec une telle précision, une telle véracité. « Tout est dit en peu de mots » comme disait Manoukian. Ne le dite a personne car le gazier est bien trop discret mais cet immense disque est à ranger sans rougir au côté d'un grand Gainsbourg, Bashung et autre Daniel Darc...
En vingt ans, Miossec, est toujours apparu fidèle à lui-même sans concession gênante, opérant à cœur ouvert sur scène. Pas faux-cul pour un sou, il égrène ses habiles ritournelles comme un troubadour simplement heureux de faire de la musique.
Et pour ses vingt ans de carrière, Miossec envahissait le Quartz, haut lieu de la culture brestoise, pour quatre soirs. N'attendez pas du gars un anniversaire bougies, chantilly et cotillons, ces vieilles foutaises ne riment à rien. Christophe (depuis le temps on est un peu intime peut-être ? Je ne sais pas...) l’authentique n'est pas conventionnel. Ce soir, il présente son nouvel album jamais entendu pour l'auditoire. C’est sa manière de se mettre à poil, de sauter sans parachute devant une salle absolument ras le goulot.
Accompagné de nouveaux musiciens - Hugo Cechosz (Eiffel, Arthur H, Twin Twisters), Vincent David (Deportivo), Valentine Duteil (La Grande Sophie), Nathalie Réaux et Florent Savigny (Arthur H) - Miossec entame son répertoire avec classe. Exit le rock sec de la précédente tournée, l'actuelle fait la part belle aux ambiances élégantes et feutrées, habillées de contrebasse, violoncelles, claviers et chœurs. Car c’est aussi l’une des caractéristiques de l’animal : jamais deux fois la même. Pas un disque ne ressemble au précédent, pas une tournée ne se confond avec l’autre. L’art de se renouveler tout en gardant sa griffe.
L’expérience était donc saisissante de découvrir la scène avant l’album. Les émotions passent, on retient les mots brillamment mis en avant par un chant juste et une voix mise en exergue par l’excellente acoustique du Quartz. Le spectacle superbement relevé par les lumières est morcelé : les rappels sont si nombreux qu’on oublie de les compter. D’ailleurs, si ses nouveaux morceaux sont taillés pour ce groupe, les anciens sont retravaillés avec classe. « Le Défroqué » est une tuerie, « Montparnasse » et « Rose » aussi. Miossec revisite, « Brest » n’a jamais été si épurée et « La Fidélité » autant mise à nu. Et le Brestois émeut, arrachant quelques larmes au passage dans mes yeux poussiéreux avec l’un de ses plus beaux textes interprété ce soir avec une élégance sans pareil : « Madame ».
Le public est physiquement assis mais virtuellement par terre. Les langues du théâtre se délient, le public exulte, se lève et fait un boucan d’enfer. Standing ovation méritée Messieurs-Dames.
Mais au bout de vingt ans de bons et loyaux services, j’ai aussi le droit au quart d’heure bougon, pestant contre quelques oublis… où sont les grandes chansons d’A Prendre, L’Etreinte, Chansons Ordinaires ? Un seul, unique morceau de Boire et autant pour Baiser ? Sacré Miossec, tu ne changeras jamais. Fais-en qu’à ta tête et on continuera à venir, cons comme on est.
Jean Jean
Musiciens :
Hugo Cechosz (basse, contrebasse, guitare), Vincent David (guitare, claviers), Valentine Duteil (violoncelle, claviers, basse), Nathalie Réaux (chœurs, percussions, claviers), Florent Savigny (batterie, percussions, marimba)