logo

The Strokes, Foals, The Murder Capital, Gaz Coombes - Rock En Seine - 27.08.2023

Crédit photo :

© Louis Comar : Julian Casablancas, chanteur des Strokes

Date et lieu :

Festival Rock En Seine, Paris – 27 août 2023

Live report :

C’était il y a 13 ans, le 29 août 2010, une belle soirée apocalyptique. Nous étions là pour l’une des nuits légendaires de ces 20 premières années de Rock en Seine, lorsque qu’Arcade Fire s’est vu contraint de stopper net son concert frappé d’une pluie diluvienne, une ambiance dantesque. Mystique. Le groupe a tout de même tenu à revenir en semi-acoustique pour jouer « Wake Up » avec 30 000 chœurs. Anthologique.

Revenir à Rock en Seine, c’était donc avec un bonheur non dissimulé. Et pour ses 20 ans, le festival a fait éclater la bulle spéculative… avec notamment Billie Eilish et ses 1,5 millions d’euros de cachet. Mais la seule journée archicomble depuis des lustres est une programmation purement rock et indé des plus fines. Prouesse dans l’hexagone ! Chapeau bas. Le rock, uniquement underground ? Has been ? Pas si sûr… les gamins reprennent les armes dans les champs.

La journée commence avec le folk indé et psychédélique de la jeune américaine Angel Olsen. Confidence pour confidence, c’était assez monotone, limite ennuyeux. Restons polis. On déménage rapidement sur la grande scène jeter une ou deux oreilles au trio survolté de Nova Twins et leur rock cosmique, ambiance sci-fi ultra saturé. ULTRA saturé. Grosses flambées rock, énergie débordante, les deux londoniennes en quasi cosplay et leur batteur attaquent en mode frontal et bastonnent dur. Il y a du style, de la personnalité. Côté génie musical, on repassera.

Classe Coombes !

Tiens, en parlant de ça. Gaz ! La classe, l’élégance, la gueule, la voix, le chant. Gaz Coombes entre en scène à la Cascade. 40 trop courtes minutes de rock minutieux, tricoté de riffs et d’arrangements ultra chiadés. Le leader de Supergrass confesse, c’est son festival préféré au monde. Il a la banane, forcément. Bien accompagné, l’anglais aux allures de parrain mafieux, costume rayé et chapeau sur la tête, déballe des compositions 100% maison, aucune empruntée à Supergrass. Sa voix est une nouvelle fois exemplaire, parfaitement secondée par sa choriste, presque co-chanteuse, émérite. Evidemment, « Turn The Car Around », « Long Live The Strange » et « Deep Pockets » témoignent de l’habileté de composition et d’écriture de Gaz Coombes. Et on en parle de « Salamander » et son saxo merveilleusement lancinant ? « Walk The Walk » transporte sous ce soleil globalement généreux, la voix percute, ample et belle. Il termine par « The English Ruse », on lui aurait préféré la merveilleuse « Don’t Say It’s Over » ou la poignante « Overnight Trains »… mais je sens poindre chez moi de vilaines manies d’enfant gâté. Pardonnez. C’était clairement un pur concert !

Murder Capital, une affaire de contrastes

Le parterre se densifie à mesure que le set de The Murder Capital se rapproche. Le groupe post punk irlandais a la côte ! L’entame est déjà caverneuse, pesante, lancée avec « The Stars Will Leave Their Stage ». Les guitares dansent avec le diable et s’écharpent, la voix grave de James McGovern pose le décor. Pour rester sur le dernier album, « Return My Head » embraye violemment avec les agressives « More Is Less » et « Green & Blue ». Leur dernier album est plus mélodieux, moins brutal, complémentaire. « A Thousand Lives » et la magnifique « Gigi’s Recovery » crèvent l’écran, et le public l’a parfaitement bien compris. Ovation assurée. A la fin, « Ethel » et sa formidable montée en puissance mettent la claque, McGovern monte en pression et finit encore dans le public ! « Don’t Cling To Life » referme brutalement un concert de haut vol.

Côté organisation - puisqu’à priori le mercredi a été assez apocalyptique - ce dimanche pas grand-chose à dire, les pintes de 47 cl (on en parle ?) de houblons sont atteignables rapidement, le ravitaillement nourriture aussi, toilettes 4 étoiles. Tout est clean. Petit bémol, le son général des scènes n’est pas complètement ouf ! Manque parfois un peu de puissance et de finesse. Pas de quoi fouetter un chat, mais petit point d’amélioration tout de même.

Foals, pied au plancher !

C’est le moment de se placer pour la première tête d’affiche de la soirée. A défaut d’avoir sorti un bon dernier album, Foals reste un bon client de Rock en Seine (quatrième passage), Foals reste d’ailleurs un bon client de la scène, tout court. Et ça ne rate pas ! La débauche de funk tribal est lancée avec un quartet d’entrée complètement stratosphérique ! « Wake Me Up » chauffe grave, « Mountain At My Gates », « Olympic Airways » et « 2001 ». La setlist a été taillée dans le granite, pour les festivals, ça ne descend jamais ou presque, excepté « Spanish Sahara »… et encore. Foals allume sa machine à hits avec une grosse énergie, du coup on ramasse en rafale le gros groove de « My Number », « In Degrees » et le heavy métal à peine déguisé de « Black Bull » et « What Went Down ». Tête dématée au bazooka, bonsoir Mesdames ! Le concert s’achève sur le stroboscopique « Two Steps, Twice », Yannis Philippakis termine dans le public ! Et le parterre de Rock En Seine ne s’y trompe pas, ovation méritée.

The Strokes, petites controverses entre amis !

Je vais y aller à contre-courant. Patientez. La tête d’affiche pour clôturer cette vingtième édition était un pari bien plus périlleux que celui de Billie Eilish le mercredi. Les Strokes, si rares en festival, sont insaisissables. Seuls les festivals des Eurockéennes en 2006 et le Lollapalooza Paris en 2019 ont eu cet honneur, je ne compte pas les Nuits de Fourvière. La foule est amassée devant la grande scène, comme un champ de menhirs en attente d’une messe druidique. The Strokes sont parmi les légendes de la résurgence du rock à guitare du début des années 2000. Is This It, leur premier essai est une sorte de disque à la Velvet Underground & Nico, un mètre étalon pour des générations de groupes. Bref décor planté.

Et les retours sont pour le moins mitigés. Des salves d’articles, de Tweets, de publications Facebook, Insta, Youtube, des articles de presse… accablent les New-Yorkais. France Info titre « Rock en Seine 2023 : les Strokes donnent un concert catastrophe », le Figaro allume « Rock en Seine : le concert des Strokes tombe (presque) à l'eau », et Le Parisien : « Concert chaotique, problèmes de son, chanteur en roue libre… Qu'est-il arrivé aux Strokes à Rock en Seine ? ». Ralliement total, bonsoir tout le monde. Sauf que ! Mais oui, j’ose le dire et le brandir, j’ai pris mon pied. Et je n’ai pas la tête d’un lapin de 3 semaines.

Oui, le groupe débarque un poil à la bourre, signe de désinvolture ? Il n’y a pas mort d’homme. Oui, le son a parfois méchamment merdé, heureusement, jamais sur les meilleurs titres. Oui le groupe joue dans la pénombre, malgré ce flow de lumières en fond. Impossible de voir les bouclettes d’Albert Hammond Jr, ni la tête un poil bouffie de Julian Casablancas dans sa veste de jogging piteuse. Parti pris étonnant. Certains disent qu’il était aviné le garçon, groggy par la weed ? J’en ai aucune foutue idée. Il ne chante pas toujours juste ? Ouai. De temps à autre, il beugle ? Ouai. Tu veux du rock n’ roll, en voilà ! Un festin d’hymnes intemporels que la majeure partie des groupes de ce monde ne sauront jamais écrire. Regarde ce public exulter sur « Last Nite » et « The Adults Are Talking », transcendé. Regarde ces guitares qui se tutoient et se complètent comme peu dans le monde. Regarde cette personnalité musicale hors norme, cette signature sonore tellement singulière et intemporelle. Ecoute et pleure sur cette pépite « Ode To The Mets », qui te fait frissonner des orteils aux cheveux. Les Strokes dans leur imperfection et leur fragilité ont livré toute la dangerosité du rock & roll, pas calculée. Tu veux des confettis, va voir Imagine Dragon. C’était mon premier concert des Strokes, je le craignais… et il s’est passé quelque chose entre les lignes de leurs défauts les plus agaçants. Même si, ok, sortie de piste ratée en toute fin… Ce n’est pas le plus immense fan des Strokes qui écrit ces lignes, juste un type qui a été transporté à certains moments de grâce de cette incroyable soirée. Ça non plus, ce n’est pas calculé.

Jean

Retrouvez la setlist des Strokes, Foals, The Murder Capital, Gaz Coombes

Partagez