Joseph Chedid - 2019-07-18
Trente-trois ans et un recul sur la vie assez déroutant. Bien entendu, Joseph est un Chédid avec toute la fierté de cette lignée d’artistes et parfois le poids du regard des autres. Tracer sa route ? Garder le meilleur de ce que lui offre son sang ? Joseph est en quête de la source, sur la bonne voie et bouillonne de le partager à tous… comme de changer le monde. Et ce rock philosophique autoproclamé lui sied à merveille, sans jamais être pédant ou élitiste. Juste la musique qui vient du cœur. Entretien avec Joseph pour la sortie de Source, son deuxième album.
Rocklg : Bonjour Joseph, raconte-moi la genèse de ton deuxième album solo, Source ?
Joseph : C’est compliqué pour moi de répondre à cette question… Il y a eu le premier album Maison Rock sous le pseudo de Selim. Et la genèse, c’est un peu la transmutation, de Selim à Joseph. C’est ça le voyage qui s’est passé entre les deux albums. Puis des expérimentations, des envies et tout s’est construit autour de ce mot source. Toutes ces thématiques « Lumière », « Dévoilez-vous »… Je ne l’ai même pas intellectualisée cette genèse. En fait, si ! La genèse, c’est cette phrase de Ghandi un moment où je me posais beaucoup de questions personnelles. Et des questions un peu aussi sur le monde, la voici : « Soyez le changement que vous voulez voir sur le monde ». Et à ce moment-là je me suis vraiment dit que finalement en se changeant soi-même, on pouvait changer le monde et pas l’inverse.
Rocklg : Et c’est à ce moment que tu décides d’incarner à nouveau Joseph Chédid et non plus Selim ?
Joseph : Oui car c’est aussi parfois compliqué car ma famille est musicienne et célèbre. C'est aussi être confronté au poids de la comparaison et au poids du nom. Quand on a des gens connus dans sa famille c'est parfois compliqué de pouvoir faire sa place ou en tout cas de trouver sa place. Et c'est ça la notion de « Source », essayer de trouver sa place et d'évoluer pour changer le monde. Je ne suis pas trop confus ?
Rocklg : Non, je comprends ce que tu veux dire car on ressent une dualité assez constante dans tes paroles, « Bipolaire » bien entendu, mais également dans « Crois Ton Doute » ou « Ma Différence M’a Dit… »… la famille est en filigrane de l’album non ?
Joseph : Complètement ! Alors ça, c’est très juste, c’est exactement ça ! Et j’essaye d’aller vers l’unité mais je dois passer par cette dualité, cette ombre et cette lumière. C’est l’idée de garder tout ce que j’aime, ce que m’apporte ma famille et mes amis, profiter de ce joyau, de ce trésor là et en même temps, faire son chemin et se sentir libre de créer et d’exprimer ce que j’ai envie de faire, de donner, de faire les concerts que j’ai envie de faire… de partager avec les gens. Je sens que ça commence vraiment à prendre, les gens captent ce que j’ai envie de faire. Evidemment, il reste des comparaisons, avec la voix (avec Matthieu, son frère – NDLA) notamment mais ça je comprends, il faut laisser le temps aux choses…
Rocklg : On entend aussi dans tes paroles une sorte de prêche, de retour d’expérience « Lumière », « Dévoilez-vous », comme des étapes par lesquelles tu es passé et que tu as envie d’apporter aux autres… c’est autobiographique ?
Joseph : Tu as bien capté ce disque. C’est quelque chose de sincère ! Le fait de reprendre mon nom, c’est aussi l’intention de clarifier mes paroles et de dire que c’est bien moi qui parle, ce n’est pas un personnage. Je me suis rendu compte qu’il y avait plein de personnages en moi, mais que tout partait de moi donc j’avais envie qu’on comprenne que c’est mon chemin. C’est un disque autobiographique, mais il parle aussi du monde. Il a plusieurs niveaux de lecture. Il y a l’idée de se servir de ce qu’on traverse pour aider les autres sur leur chemin. Ce que je vis par exemple avec ma famille qui est magnifique. Et, comme beaucoup de gens, on a des frères, des sœurs et on se retrouve sur notre chemin avec nos doutes et nos réflexions, nos joies, nos peines… donc je veux amener de la joie, du bonheur…
Rocklg : Tu l’as enregistré live avant de le retravailler. Qui fait partie de ton groupe ?
Joseph : C’est le même groupe sur l’album et sur scène. Ce sont vraiment des amis, tous talentueux ! A ce moment-là de ma vie, mon nom, Source, … j’avais vraiment besoin de m’impliquer dans mon album. Mais du coup, j’ai laissé la place aux autres car, à la différence de mon premier album, je n’ai pas joué tous les instruments. Indéniablement, ils ont apporté des choses mais c’est un album que j’ai fait par moi-même dans les moindres détails, j’ai vraiment mis les mains dedans de A à Z. Ils m’ont apporté cette dimension du live ! Ils m’ont aidé à faire tout de suite rentrer des gens extérieurs à moi et d’amener de l’énergie et de joie. Sinon, j’aurais fait mon album seul et on aurait moins senti ce côté groupe et cette énergie. Et dans les prochains albums, ça évoluera encore ! le prochain ne ressemblera pas à celui-là. Cet album est un appel à la source, mais ce n’est pas la source encore… L’idée, c’est que sur le prochain, je me débride encore plus, que je lâche ma voix et que je laisse de la place encore plus aux autres…
Rocklg : On entend des influences et des courants musicaux très diverses, qui sont les artistes qui t’inspirent aujourd’hui ?
Joseph : J’ai été un grand fan, un coup de foudre pour Radiohead. Ils m’ont fait basculer dans quelque chose… Ce pop, rock avec leurs expérimentations et un peu d’électro, ça a été une très grande influence. J’ai aussi été bercé par Stevie Wonder, Sly & The Family Stone, Ray Charles, Marvin Gaye toute cette scène ! Et toute la scène rock des années 70, Jimi, Led Zep, Janis, … Tout cela incarne une liberté tellement forte, comme les Doors aussi. Ça fait partie de mon ADN en termes d’énergie. Ces êtres libres sur scène, ce qu’ils dégageaient ! Et puis j’ai aussi le rock progressif comme CAN, Soft Machine, ces courants-là. La musique électro, le french touch et la house music quand j’étais jeune. En France, tous les chanteurs comme Gainsbourg, Brel, Brassens ou Barbara…
Rocklg : Oui, quand tu parles des années 70, on ressent d’ailleurs dans quelques moments et quelques solos, que tu as envie de te lâcher, presque amener de l’agressivité ?
Joseph : Oui, il y a parfois ces torrents, ces frénésies… mais au fur et à mesure, on apprend à maîtriser la bête ! Et plus je le fais, plus j’ai l’impression de mieux réussir à le faire. Les cris aussi, l’impression d’être en vie, de tout lâcher !
Rocklg : Comment fais-tu pour garder une cohérence pour éviter l’écueil de l’album décousu ?
Joseph : Oui ça a été un très gros travail ! C’est pour ça que j’ai mis trois ans à faire cet album et qu’il y a des choses un peu différentes… Mais la cohérence vient déjà de la voix, du narrateur qui reste le même. Et musicalement, au final, les ingrédients sont toujours la batterie, la basse, le synthé, des claviers, des guitares et des petites touches supplémentaires. Il y a également cette dimension live du groupe qui reste assez constante. Et c’est aussi la dimension du mixage qui a affirmé les couleurs. Ce côté un peu terreux, organique, analogique… On a enregistré sur un magnéto à bandes mais ça s’est révélé aussi au mixage.
Rocklg : Il ne sonne pas vintage à outrance, ce n’est pas du Jack White ! C’est plutôt intéressant…
Joseph : C’est important que tu sentes ça ! C’est la rencontre analogique-numérique. L’album est passé dans l’ordinateur, on s’en est pas mal servi à un moment et après on est repassé dans une superbe console de mixage. C’est pour ça que j’ai demandé à quelqu’un de mixer, j’avais besoin de prendre du recul et de retrouver la chaleur de l’analogique. C’est donc un disque hybride.
Rocklg : Quel rapport tu entretiens avec ta voix ? Tu n’as pas peur de la bousculer, de la pousser voire de la tirailler sur « Choupinou » par exemple qui est assez dingue…
Joseph : Si je devais partir sur une île déserte et que je devais garder un seul instrument, ce serait ma voix. Car c’est l’instrument que l’on a sur nous tout le temps. C’est le reflet de l’âme, c’est à la fois ce qu’il y a de plus compliqué et de plus simple. Ça me fascine ! J’espère profondément que je vais encore pouvoir me surprendre et surprendre les gens !
Rocklg : Il est sorti intégralement depuis un petit mois maintenant, mais réellement en plusieurs livraisons depuis le début de l’année, comment ça se passe ? Les retours ?
Joseph : Je suis content car ça se passe dans un autre espace-temps que le commerce actuel : habituellement, on sort l’album, on regarde les ventes et au bout de 15 jours c’est fini. Ici, c’est différent, on peut se le commander en physique uniquement sur mon site internet ou aux concerts ou l’écouter sur les plateformes… Je le vois comme un tout cet album. Oui, je suis content qu’il soit sorti, ça me laisse la place pour la suite ! Maintenant, cet album ne m’appartient plus ! Je ne peux plus l’écouter en fait… J’espère qu’il peut faire du bien aux gens, j’ai mis tellement de temps et de travail. Je sais qu’il est un peu spécial, un peu original et un peu compliqué mais si l’émotion passe, j’en suis profondément heureux. J’aurais réussi ce que je voulais faire.
Rocklg : Que peut-on te souhaiter de mieux pour finir ?
Joseph : Bien vivre de ma musique et faire de magnifiques albums ! C’est aussi pour ça que je dois en vivre, parce que tout ça c’est du travail ! Mais le rêve ultime, c’est de grandir, que ma voix puisse grandir aussi et d’être en tournée, de jouer pour le monde !
Rocklg : D’ailleurs, une tournée plus massive est prévue ?
Joseph : On va vraiment essayer de construire ça pour 2020 ! C’est une musique qui vient du cœur, c’est pour tout le monde, pour tous les pays, toutes les langues, tous les âges… mon rêve ultime c’est donc de voyager avec cette musique : qu’elle crée de la lumière dans ce monde !
Merci à Joseph pour sa sincérité, cette fraicheur et son envie de changer le monde avec délicatesse et ce brin de beauté nécessaire.
Propos recueillis par Jean